L’art brouillon interroge l’image qui se fabrique aujourd’hui, les standards, l’absence d’énergie des poses perfectionnées du monde, tel que je le perçois, avec ma subjectivité assumée, notre intérêt pour l’animal en regard de ces poses, notre animalité égarée, aveuglément furieuse de ce désamorçage.
Il pose aussi la question de la représentation à terminer comme si ces lignes qui ne dessinent pas complètement un corps révélaient un autre réseau d’énergies, de liens du couple, du groupe, d’une cité, d’un camp, d’un pays vivant des conditions communes. Et que mes dessins parlent de ces classes qui disparaissent ou qui émergent, de ces gestes vécus, croisés et circulant sur la Toile en menant leur propre vie.
J’ai souvent l’impression que ce nous inventons ressemble aux lois de l’Univers, de la physique et que les interactions qui lient les atomes ne sont pas différentes de celles qui nous lient, si ce n’est par leur grandeur.
Lieux d’expériences, les réseaux sociaux sont vite apparus et disparaîtront peut être aussi vite. Mais ils me semblent procéder de cette tentative de collaboration, de partage que j’ai vu dès l’apparition d’Internet, quelque chose que je trouve très positif et qui l’emporte nettement sur les défauts constatés par ailleurs.
Pour revenir à ce titre qui m’est venu, je voudrais expliquer comment « L’art brouillon » m’attire. D’abord parce que je me méfie des choses lisses, que je me perçois davantage comme non-aristotélicien. Ensuite parce que l’imperfection manifeste des dessins que je publie me permet d’explorer les énergies de la main, les dynamiques qui tendent un visage, un corps, une posture et que cela m’intéresse plus qu’un respect des proportions, une rigueur des symétries et une obsession photoréaliste que je constate parfois chez mes contemporains.
« L’art brouillon » est une tentative de transposition des liens qui nous tendent.
Nicolas Bilder